Homélie obsèques du frère Johann du Sacré-Cœur

Notre frère Johann du Sacré-Cœur nous a quitté le 16 mars à l’âge de 92 ans. Son sourire lumineux n’irradiait plus le jardin du couvent d’Avon depuis un an ; il s’est éteint sereinement à l’Ehpad Africa de Nogent-sur-Marne. Ses obsèques y seront célébrées mercredi 22 mars à 10h30 (22 rue de Plaisance 94130) avant l’inhumation à Lisieux, selon ses volontés. La veille, la messe sera dite pour lui à 11h45 au couvent d’Avon.    
   

O Cœur de Jésus, trésor de tendresse, C’est toi mon bonheur, mon unique espoir, Toi qui sus charmer ma tendre jeunesse, Reste auprès de moi jusqu’au dernier soir. Seigneur, à toi seul j’ai donné ma vie Et tous mes désirs te sont bien connus, C’est en ta bonté toujours infinie Que je veux me perdre, ô Cœur de Jésus !

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus Poésie 23 « Au Sacré Cœur de Jésus »

Homélie des obsèques

(Gn 2,4-15    Ps 91   Jn 20, 11-18) Messe «d’A-Dieu » de notre frère Johann du Sacré-Cœur.

Notre frère et ami Johann n’a pas laissé d’écrits, n’a pas prononcé d’homélie, n’a pas utilisé l’ordinateur pour imprimer ses convictions ou ses pensées, encore moins une déclaration à lire lors de ses funérailles…Mais toute sa vie a été lisible, comme on aime lire un témoignage, ou mieux, réciter un poème où chaque mot résonne. L’archiviste n’aura pas trop de soucis pour classer les documents ou notes qu’il aurait laissés. Mais à travers le quotidien de son existence, frère Johann a imprimé dans le cœur de ceux qu’il rencontrait, ses frères carmes d’abord, ensuite les résidents du Centre Spirituel d’Avon, et bien d’autres, un message, dont les rares mots s’écrivaient, comme le stylet creuse la pierre… Des mots qui résonnent au vent de la vie !

Cependant Johann tu nous as laissé un testament peut-être plus fort que des belles pages calligraphiées. Tu nous lègues ta vie de dialogue et de solitude avec Dieu, loin de toute démonstration tapageuse. Ton testament se résumerait à nous inviter à ne pas oublier quelques éléments essentiels de la vie religieuse : la fidélité à notre engagement pour Dieu à travers la vie chrétienne et religieuse, et le soin de la création, les deux vécus à chaque instant, à chaque saison de la vie, et bien sûr à la chapelle et au jardin.

Rien ne pouvait t’arrêter, ni la météo capricieuse, ni la fatigue, encore moins les nombreuses déclarations d’Église ou commentaires enflammés…qui t’auraient encombré.

Tout semblait chez toi bien rangé, ordonné. Ta vie religieuse était réglée selon la promesse faite lors de tes vœux religieux prononcés il y a plus de 50 ans. Tu t’efforçais chaque jour d’y répondre. Lors d’un partage d’Évangile, lorsque ton tour venait pour toi de t’exprimer, en réponse à une sollicitation forte, quelques mots bien ciselés sortaient alors de ta bouche avec conviction, et sans fioriture : « Dieu est Dieu, Il est tout puissant. C’est tout !» : point, fermer les guillemets.

Nous portons chacun une image de ce que tu as été pour Dieu, pour notre famille carmélitaine, pour celles et ceux que tu as rencontrés. Mais tous, nous avons été impressionnés par ta vie ordinaire, mais ô combien riche et porteuse de signes ; vie discrète bien sûr, mais jamais quelconque. Cet homme nous demandait de prendre le temps de le connaître. Il y avait en lui un besoin de se laisser apprivoiser, pour ouvrir un dialogue, qui alors ne s’arrêtait pas à l’instant de la rencontre, mais se développait dans la durée.

Aussi fallait-il reprendre, en ce jour où nous célébrons ton passage vers la vie éternelle, la rencontre de Jésus ressuscité avec Marie Madeleine. Ce rendez-vous de Dieu, non pas au jardin de la création, mais au jardin de la résurrection. Dialogue de cette femme au lourd passé avant sa rencontre avec Jésus. Il lui ouvre un espace de renaissance, de vie. Elle va au tombeau et se fait questionner par le jardinier: « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». A l’appellation de son prénom, elle reconnaît alors son Sauveur. Jésus s’intéresse toujours à nous et nous questionne souvent. As-tu dialogué avec Jésus comme avec nous, avec peu de mots ? Le fils du charpentier de Nazareth devait aimer te voir prendre soin de la création de son Père, dans le silence et le labeur régulier.  

Johann, tu dois aimer cette rencontre avec Celui que tu as cherché, avec Celui qui t’a appelé, avec Celui qui a guidé ta vie, avec Celui qui te reçoit aujourd’hui pour t’inviter à demeurer avec Lui. Jésus a-t-il prononcé avec force et tendresse ce prénom donné par tes parents ?

Après ces derniers mois de souffrance morale, te voilà dans un face à face préparé depuis de longue date. Préparation dans le jardin du couvent d’Avon, dans le déroulement de ta longue vie religieuse, dans le silence de ta cellule, sobrement décorée, sinon par une statue de St Thérèse de l’Enfant Jésus, vers qui tu mettais toute ton espérance et ta joie, statue placée dernièrement dans le jardin du couvent, comme une volonté de réunir ta prière et ta vie. Dans la détresse de cette fin de vie, honorée jusqu’au bout avec beaucoup d’attention par les soignants, tu attendais ce passage vers cette Vie en abondance. En cette année jubilaire pour notre petite sœur Thérèse de Lisieux, ton amie carmélite est là, bien présente en ce moment pour te guider, hier comme aujourd’hui, vers son Maître et Sauveur, Jésus, vers ton Maître et Sauveur.

Dans un monde de précipitations où tout va vite, très vite, ta régularité et ta fidélité sans faille deviennent des trésors de vie et des appels à poursuivre notre quotidien. Apprends-nous la force de la fidélité joyeuse et créatrice. Donne-nous un goût renouvelé pour nourrir notre vie de foi, notre vie de chaque instant. C’est le dépôt de notre prière auprès de toi.

Johann, si ta vie terrestre s’arrête ici, en ce lieu, elle ne s’arrête pas pour autant. Aussi nous te confions quelques intentions. Souviens-toi de nous, de notre Province Carmélitaine, de cette Maison qui t’a reçu. Ton travail va se poursuivre autrement avec nous et pour ceux que tu as croisés. Merci pour ce que tu nous as donné.

Merci pour cette présence silencieuse, mais si précieuse. Que notre Dame du Mont Carmel t’accompagne vers la rencontre avec le Seigneur. Merci frère Johann pour ta vie régulière et belle. Elle est un témoignage pour nous, mieux qu’un long discours. Laisse le Seigneur te dire aujourd’hui comme hier « Johann », et accepte de lui répondre du fond de ton cœur : « Jésus. », et tout sera dit et fait.

Frère Didier-Joseph    

Nos couvents

Faire une retraite