Notre frère Georges (THOMAS) de la Résurrection est décédé le 24 décembre 2023 après-midi suite à une infection pulmonaire foudroyante. Il avait célébré la messe le matin même chez les Petites Sœurs des Pauvres de Caen chez qui il logeait depuis trois mois avec un autre frère de la communauté de Lisieux.
Ses obsèques ont été célébrées au carmel de Lisieux à 11h15 le samedi 30 décembre 2023.
Né à Lille en 1936, il est entré chez les frères dans le couvent de Bordigné (Sarthe) en 1954. Après ses études de théologie à Lille, il a passé 40 ans au couvent d’Avon dont 35 ans avec le service de vicaire de la paroisse. Après 8 années à Paris, il a rejoint le couvent de Lisieux en 2008.
Nous confions notre frère à votre prière, le remettant à la Miséricorde divine, dans la lumière de Noël !
Homélie des obsèques
Georges, notre frère, comme cette femme âgée prénommée Anne, dont nous parle l’Évangile de ce jour, tu as servi le Seigneur de nombreuses années au sein de la vie carmélitaine dans la Province de Paris des Carmes Déchaux. Parti à la rencontre de Dieu que tu as cherché toute ta vie religieuse, voilà qu’un 24 décembre, après-midi, alors que nous nous préparions tous à fêter la Nativité de Jésus, la mort t’avais donné rendez-vous. Toi qui as connu un corps abimé et douloureux, tu allais à la rencontre de ton Seigneur et Sauveur au moment même où l’Église s’apprêtait à célébrer Dieu qui est venu fouler la terre des hommes en son Fils Jésus. Aussi en préparant la célébration de tes funérailles, ce texte de la liturgie de ce jour de l’Octave de Noël nous semblait tout approprié à ton histoire.
Dis-nous, Georges, tes yeux ont-ils enfin vu Celui que tu as prêché toutes ces années à Avon, Paris et enfin Lisieux, sans oublier un rapide passage chez les petites sœurs des pauvres de Caen ? Oui, toi aussi, à ta façon, « tu as proclamé les louanges de Dieu et tu parlais de l’enfant à tous ceux qui attendent la venue de Dieu » comme le faisait Anne dans le Temple. Ton ministère d’écoute, d’accompagnement, ton souci d’accueillir et d’offrir le pardon des péchés, a été pour toi un ressort de vie spirituelle. Personne ne dira ce qui se passait au confessionnal mais ta présence régulière et aimante favorisait une réelle rencontre avec la miséricorde du Seigneur. Acceptons ce mystère de la présence de Dieu dans une vie. Nul ne peut la traduire sans risquer une mauvaise manipulation. Aussi j’aimerais simplement revenir sur ces derniers mois de ta vie.
Notre frère Dominique s’apprêtait à rejoindre la Maison des petites sœurs des pauvres à Caen. Partant le visiter et l’installer, je te faisais la proposition de m’accompagner, de vivre une petite sortie qui se faisait de plus en plus rare pour toi. Ta réponse fut positive. L’accueil que te firent les petites sœurs, l’ambiance de la maison, la simplicité des lieux dont la beauté toute ordinaire favorise l’adhésion et suscite de l’émerveillement. Tant d’énergie développée pour accueillir et faire vivre des êtres fragilisés par l’âge et la santé parfois, ne peuvent laisser indifférents les visiteurs. Une petite sœur t’a proposé de te reposer dans une chambre voisine et libre, face à celle de Dominique. Je te savais en bonnes mains et après avoir installé Dominique il fallait songer au retour pour toi et moi. Aussi ai-je interrompu une discussion dont vous étiez les acteurs passionnés. Dans la voiture au retour, tu as pris la parole. Tu n’étais pas trop bavard aussi je tendais l’oreille pour accueillir ce que tu voulais me dire : « Tu sais que l’on cherche pour moi un Ehpad pour le 15 octobre…Mais j’ai trouvé. Je demande à séjourner à la maison des petites sœurs et alors ce sera « Ma Maison, pour moi aussi ». Surprise de ma part face à une telle assurance et détermination. La Providence a fait son travail et a permis que ce choix soit réalisable rapidement, et te voilà installé et heureux d’être l’hôte de « Ma Maison ».
Ce nouveau lieu allait-il être l’antichambre de ce Passage de la vie d’une personne âgée, d’un prêtre et d’un religieux carme à la vie en Dieu ? Je ne sais ni ne voudrais franchir certaines limites. Acceptons de ne pas tout maîtriser, et recueillons simplement le message que tu nous as laissé d’une dépossession totale de tout projet pour entrer avec joie dans une acceptation libre et joyeuse, imprévue mais si belle et sereine.
Toute vie est appelée à renaître sans cesse. Jésus l’a bien développé lors de sa rencontre avec Nicodème au début de l’Évangile de St Jean (St Jn 3,1-6). Nicodème savait beaucoup de choses mais d’une manière peut-être trop intellectuelle. Il allait apprendre à faire passer tout savoir de la tête au cœur.
As-tu vécu Georges un passage, oserais-je dire une conversion ? Je t’entends me confier plus tard lors d’une visite : « Tu sais ici il faut que nous religieux, vivant dans cette maison, nous soyons des hommes de paix. Face à certaines critiques liées à une vie commune pas toujours en harmonie pour tous avec son lot de réclamations : la soupe n’est pas assez chaude, le plat trop copieux pour notre estomac ou d’autres remarques … Apprenons à dire : nous avons un toit, une assiette bien remplie, nous sommes soignés, à l’abri…Quelle chance ! Quel bonheur ! Merci mon Dieu. »
Frères et sœurs, j’ai vu la beauté d’un être qui se laisse habiter par la Présence de Dieu, et qui exprime dans l’ordinaire cette Présence. Ne serait-ce pas la clé de la vie chrétienne que notre frère et ami Georges nous laisse ?
« Le monde passe, et sa convoitise avec lui. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours », avons-nous entendu dans la première lecture, la Lettre de St Jean. Ne serait-ce pas là, la clé d’une vie, la clé de toute vie ? Être présent à l’aujourd’hui de Dieu dans toute circonstance, même les plus imprévues ne serait-ce pas le message que nous laisse notre frère Georges ?
Merci Georges de nous interpeller. Ton Passage est source de tristesse, mais appel à oser abandonner toute sécurité ou décision irrévocable, pour laisser l’Esprit Saint dessiner en nous un chemin de vie, où Dieu sera pour toujours le Maître.
Merci, ces derniers mois que tu as vécus sont bien le reflet de ce Dieu qui peut faire émerger une vie quand on laisse de côté toute raideur, toute certitude, pour avancer libre et aimant vers Lui.
J’allais oublier Georges, tu n’oublies pas de prier pour nous. De prier pour les vocations dont, le Carmel, les petites sœurs des pauvres et le diocèse ont tellement besoin. Merci.
Frère Didier Joseph